07/11/2016
La cuisinière anglaise
Madame lit ma lettre de recommandation.
Je sais qu'elle va vérifier auprès de Monsieur le Pasteur.
Elle apprendra sa mort, elle sera juste surprise de le voir célibataire et sans enfant. Nous avons mis la petite Emma en pension.
J'espère qu'elle survivra...
Je suis arrivée avec mes nippes et mon air de jeune fille sage.
Madame me regarde, elle a l'air crédule, tant mieux...
Je le sens, je vais avoir la place.
D'ailleurs il le faut, et puis je suis bonne cuisinière.
On me montre la cuisine.
Ça semble une bonne maison, l'arrière cuisine est pleine de denrées, le seau de crème déborde et le gibier attend.
J'ai la main d'œuvre nécessaire car Madame ne lésine pas.
Il faut dire qu'avec ses six enfants et Monsieur toujours absent, toujours à Londres pour ses affaires, elle se laisse vite déborder...
Je sais qu'elle n'apprendra pas que Monsieur le Pasteur est mort de la typhoïde ainsi que son entourage et que je suis la seule survivante.
Je suis engagée !
J'ai noué mon tablier.
Je prépare le porridge des enfants.
Ils vont se régaler...
09:57 | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : lakevio, jeu, banlieue, londres
24/10/2016
Camping.
Ton père a toujours été un original, vendre la maison, sans nous en parler.
Acheter une caravane et nous installer dans un coin désert, le prochain village est à dix kilomètres, sans eau, sans chauffage.
Pfff...
Ton père disait que ça allait vous endurcir.
Il avait juste oublié de prévenir qu'il ne serait pas avec nous et qu'avec l'argent de la vente de la maison il allait refaire sa vie ailleurs.
Allez ma fille, va chercher de l'eau, ça fait huit jours que vous n'êtes pas lavés, ni les uns ni les autres, que nous mangeons froid.
Je sais, nous n'avons pas d'argent.
Nous n'avons droit à aucune aide puisque je ne suis pas divorcée de ton père.
Je ne suis même pas séparée.
Comment, je joue sur les mots ? Lui est séparé, pas moi !
Non, je ne peux pas y croire !
C'est un jeu cruel.
Ton père est parfois comme les enfants, tu sais ceux qui arrachent les ailes aux mouches mais il va venir nous chercher bientôt.
Tu dis qu'il faut que j'arrête de rêver.
Qu'il nous a laissé là l'année dernière, qu'il ne reviendra pas, que d'ailleurs il a une nouvelle femme et un bel enfant, lui.
Il ne boîte pas comme Julien, il n'est pas borgne comme Camille, il n'a pas une lippe baveuse comme Claude...
09:20 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : camping, jeu, lakevio, pluie
03/10/2016
Un bonheur insoutenable.
Dire que nous n'avions pas vu que nous étions heureux...
Nous n'arrêtions pas de nous plaindre.
Des enfants qui ne sont pas sages.
Des enfants qui n'ont pas de bonnes notes.
De la vie qui nous fait courir.
Du manque de temps.
Si nous avions su...
C'est arrivé doucement.
Nous n'avions plus le droit de nous déplacer.
Nous fûmes assignés à résidence.
Puis ils ont commencé à interdire les livres.
Des amis ont disparu.
La peur est arrivée, insidieuse.
Nous surveillions sans cesse les enfants car certains avaient été enrôlés de force.
Puis nous avons commencé à manquer de tout.
Nous avions faim.
Nous avions froid.
Enfin nous avons décidé de nous sauver.
Il nous fallait garder un peu de nourriture alors que nous avions déjà faim.
Puis de l'argent pour payer le passeur, alors que nous en avions si peu...
Notre détermination était sans faille.
Nous allions réussir.
C'était certain.
Nous serions alors accueillis.
C'était un pays de cocagne.
Nous voulions travailler.
Nous voulions que nos enfants aillent à l'école.
Nous voulions absolument remercier le pays qui nous accueillait.
Nous nous sommes retrouvés derrière des barbelés.
Nous avions perdu nos enfants en route.
Nous avons perdu l'espoir.
Pourtant, nous en avions rêvé de ce pays...
01:00 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : lakevio, jeu, fuite, peur
26/09/2016
Derrière la fenêtre.
Derrière la fenêtre, je guette, il a promis.
Il va venir me chercher, c'est sûr.
Il a décidé de tout quitter.
Bien qu'il ait femme et enfants.
Il est pasteur alors nous devrons quitter le pays, c'est évident.
Il a décidé que nous irions en Italie.
Je rêve derrière ma fenêtre, je sais, j'ai le regard inquiet.
Il est en retard.
Il devait arriver ce matin.
Depuis, je l'attends.
Le soleil est tombé.
Je l'attends.
Il viendra, c'est sûr.
Il m'aime.
Il me le dit.
Il me le prouve...
Il me conduira à Venise, nous profiterons de la beauté de la ville avant que ma grossesse ne devienne par trop évidente.
Là bas, il me présentera comme sa femme, c'est lui qui le dit.
Il trouvera du travail.
Nos compatriotes sont nombreux à aimer la douceur de vivre italienne et à y travailler.
Le soir est tombé.
Il n'est pas venu.
Un des enfants est malade, sans doute.
Demain, je l'attendrai.
Il viendra me chercher.
Sinon il ne me restera que la rivière pour effacer ma honte.
09:25 | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : lakevio, jeu, attente et ?
05/09/2016
La brocante de la ville d'à côté
Hier, avec le Goût, on est parti dans la ville d'à côté, entre deux averses.
C'était le jour de leur brocante.
Sur la place de l'église, très chic, genre "kermesse pâtisserie-fruits rouges", j'avais l'impression d'être retournée à Chatou.
Genre "je vais à la messe du samedi soir pour ne pas me commettre le dimanche avec les pauvres".
Heureusement, ils sont aussi sots qu'ailleurs et ne connaissent même pas la valeur des bijoux qui traînent dans leurs greniers.
Le Goût a eu l'œil attiré par d'énormes bouquins posés à même le sol.
Sous la table, le Littré en quatre volumes.
Il a demandé le prix, "quinze €uros mais je le laisse à dix euros pour débarrasser".
Dix €uros pour ce bijou de la langue française en parfait état !
Ça prouve bien que catogan et culture ne font pas toujours bon ménage...
En repartant, j'ai eu l'œil attiré par un tableau.
Chaud et même caniculaire ce tableau, j'ai eu un coup de cœur.
Le prix ?
Comme le Littré, un cadeau.
C'était une fin de brocante, on brade.
Il pleut ce matin mais bientôt ce tableau éclairera mon quotidien.
09:40 | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : brocante, jeu, lakevio