heure-bleue

Les hommes politiques sont comme les impôts, ils reviennent régulièrement.

Du moins en période électorale sinon ils vivent leur vie et vous oublient jusqu'à la prochaine élection.

Lorsque vous êtes commerçante, vous êtes sûre d'en rencontrer quelques uns.
Vous ne votez pas forcément dans le coin mais ils sont routiniers...

J'ai ainsi rencontré Jacques Chirac plusieurs fois.
Il était grand, pas mal du tout de sa personne et pressé.
Et aussi habitué à la servitude.
Or je ne plie pas facilement l'échine et j'étais chez moi.
Démago, comme ils le sont tous, il faisait la tournée des commerçants et se faisait prendre en photo avec eux.
J'ai refusé.
Il a insisté.
J'ai dit que je déchirerai la photo.
Il n'a pas aimé.

Ne vous imaginez pas qu'à gauche, c'est mieux.
Jack Lang avait envie du Marais, il voulait être maire du IIIième arrondissement.
Evidemment, il a fait campagne sur le mauvais trottoir, celui en face.
Celui du IVème arrondissement...
Il était accompagné par le beauf le plus célèbre de France, Roger Hanin.
C'était prendre trop ouvertement les électeurs pour des imbéciles.
Alors il n'a pas gagné.
Pour les fans, dites vous que Jack Lang a le visage tout grêlé, ce n'est pas ma tasse de thé.

Dans mon autre librairie, j'ai proposé à Madame de Panafieu qui se plaignait d'avoir partagé la chambre de ses sœurs, d'aller vivre en HLM du côté de la Porte Pouchet.
Elle non plus n'a pas aimé. Je me la rappelle comme une femme assez sotte mais bien élevée.

Je ne suis pas une groupie, je trouve souvent ces gens arrogants mais surtout ignorants tout de la vie du peuple qu'ils prétendent représenter.
Ils ne le connaissent pas et ne veulent pas le connaître.

J'en ai rencontré d'autres, je les ai oubliés.
Ils ne m'intimident pas.
Eux ont besoin de moi.
Je n'ai pas besoin d'eux...

Hier nous sommes allés à Levallois malgré la chaleur, justement pour la fuir.
Ah... S'installer dans un endroit climatisé, y boire de l'eau écossaise en regardant la verdure par la baie vitrée.

So Ouest présente des ressemblances avec notre immeuble.
Je me demande si les architectes qui l'ont conçu ne sont pas les mêmes.
Surtout si ceux qui l'ont bâti ne sont pas ceux qui ont bâti notre immeuble.
Ça se lézarde doucement mais sûrement.
Les grands panneaux vitrés ne se sont pas encore effondrés comme à Beaugrenelle...

Nous sommes passés chez "Marks & Spencer".
Je n'avais envie de rien, la chaleur ne pousse pas à la consommation.
Je voulais juste de la "sour cream".

Je cherchais vainement dans le rayon lorsqu'une femme m'a aidée.
Elle était accompagnée de son mari, bel homme, bien conservé, souriant de toutes ses fausses dents blanches très blanches.
Ça doit être le seul truc vraiment blanc chez lui...

Je les ai reconnus tout de suite.
J'ai lu des articles sur les seigneurs de Levallois Perret.
Il a conservé tous ses mandats, pas elle.
Ils sont poursuivis par la justice.
Ils viennent se promener dans leur fief...

Un monde nous sépare malgré nos échanges de recettes de cuisine.
Elle a pu donner un million d'euros pour éviter la prison.
Moi, je peux acheter un pot de crème...

Mais là :

Nous n'allons pas à Paris.
Il fait trop chaud, beaucoup trop chaud.
Je n'ai pas la clim et c'est bien car depuis un usage intensif, je ne la supporte plus.

Hier, pour changer un peu et être au frais, nous avions décidé d'aller à Levallois.
De prendre un café dans un endroit froid.

Sauf que les trains n'étaient pas au rendez-vous.
"Panne d'alimentation électrique" donc zéro train.
Ce n'est pas la première fois que ça nous arrive.
On nous avait laissé une fois en rade à Asnières et nous étions revenus à pied.
Deux stations de train quand même et j'avais trouvé un Monoprix inconnu.
Pas top ce Monoprix.

Donc hier nous avons bu un café  en terrasse, abrités sous un parasol, au petit salon de thé du coin.
Nous avons échangé les derniers potins.
Cet endroit est comme un petit village.
Quand le boucher éternue, l'écho résonne jusqu'à chez nous.

Nous avons croisé des déménageurs dans notre immeuble.
Nous avons demandé, pleins d'espoir "C'est une arrivée ou un départ ? "
Encore un départ...
Et nous ne connaissons pas les sortants.
C'est comme dans un film muet.
Ça entre, ça sort, ça sort plus que ça entre d'ailleurs.

Hier, ça a été ma fête.
Le Goût était particulièrement relou.
On a fini par s’eng…
Alors il est parti avec son bouquin et, quand il est revenu, je suis partie boire un café toute seule.
Il y a des jours où je me demande quelle andouille a inventé le mariage.
Puis il a téléphoné.
Je n’ai pas entendu la sonnerie.
J’ai rappelé.
Il est venu boire un café avec moi et on est allé au Monop’.
On s’est baladé un peu et on est rentré à pied.
Il était déjà sept heures alors mon Goût a préparé des filets de harengs…
Quelle journée passionnante on a passé mais on a quand même arrêté de se faire la tête.
Finalement, les harengs pommes à l’huile, c’est bien pour l’humeur…

Le Goût, oui celui qui est antimilitariste depuis toujours, allait avant voir défiler ses impôts.

Il avait commencé avec son père, continué avec son fils.

Les années ont passé.
L'Ours a arrêté d'y aller avec son père qui lui-même n'y va plus.
Le Goût n'aime pas y aller seul.
Il ne va même plus au salon du Bourget.
La dernière fois, le Goût y était allé et a regardé les avions avec un copain de son fils.

Le petit garçon qui reste à l'intérieur du Goût n'est jamais bien loin.

Depuis quelques années, je sais qu'il va se lever, allumer la télé, commenter et regretter de n'avoir plus personne pour aller humer la foule.

C'est vrai, la télé n'a pas d'odeur.

J'ai beau être une femme aimante, je n'aime pas les défilés militaires...