13/11/2019
Enfance.
Si j'ai accepté de vivre dans le XVIIIème arrondissement de Paris, c'est avant tout qu'il est proche du XVIIème et que quelques jours auparavant un appartement rue Cardinet nous était passé sous le nez...
Je peux parler sans crainte de la rue Cardinet car elle est longue.
Elle commence Avenue de Wagram et va jusqu'à l'avenue de Clichy.
Ce coin est peuplé de fantômes familiaux.
Fantômes devenus bienveillants avec le temps.
Je ne passe que rarement dans ma rue, quasiment jamais...
Je traîne de temps en temps le Goût rue Poncelet.
Nous y faisons parfois nos courses.
Par exemple, vendredi nous avons acheté des coquilles Saint Jacques venues tout droit de Bretagne.
Il est gentil le Goût, il ne me dit que rarement que je radote.
Je lui parle de mon arrière grand'mère, mon gentil fantôme.
Je lui parle des "Magasins Réunis", devenus la FNAC.
Je le traîne chez "POU", c'est le seul traiteur plus vieux que moi.
Le Goût me suit rue de Lévis où il ne reste que la librairie l'Astrée.
Cette librairie où enfant je ne mettais jamais les pieds.
J'allais chercher les "Signes de piste" chez un libraire d'occasion qui a fermé depuis quelques années.
Je lisais les aventures de "Prince Eric", ce garçon blond et surtout aryen.
Je ne savais pas encore que l'auteur du "Prince Eric" était d'extrême-droite...
Finalement, je ne lui parle que très rarement du Boulevard Pereire que je suivais longuement le soir en espérant atteindre la mer, les soirs où je voulais échapper à ma famille.
Famille, je vous hais.
Ou je vous aime.
Je ne sais trop, la différence est mince...
10:45 | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : famille, quartier parisien, enfance
11/11/2019
Fais moi mal Johnny...
Je vous parle d'un temps que seules les grand'mères peuvent connaître.
Mon père avait survécu à la Pologne, ma mère l'avait épousé pour échapper à son beau-père.
Quand je suis née, elle n'avait pas encore vingt ans...
La guerre était finie, la Guerre Froide battait son plein.
La France, qui avait connu la faim, n'était pas contre un steak.
On ne pensait pas encore que les pets de vaches, qui mangeaient de l'herbe bêtement dans les prés, dévastaient la couche d'ozone.
On reconstruisait le pays.
Les voitures étaient rares.
Les premières voitures garées dans ma rue étaient regardées comme des vaisseaux extra-terrestres.
C'est tout juste si les enfants avaient une âme.
Rendez vous compte, ils allaient jouer au square sans accompagnateur !
A l'époque de "Salut les Copains", une de mes camarades est tombée amoureuse d'un commis boucher.
"Il ressemble à Johnny ! " disait-elle.
Comme lui il avait les cheveux blonds et les yeux bleus trop petits mais la ressemblance s'arrêtait là.
Nous passions devant "La" boucherie plus de vingt fois par jour.
Le commis se laissait admirer et ma camarade n'était pas la seule à le trouver à son goût.
Imaginez son émoi lorsqu'elle le voyait décharger les carcasses de vaches -oui la vache est plus tendre que le bœuf-.
Elle ne pensait pas alors à Rembrandt, elle ne voyait que les muscles de ce garçon.
Je trouvais qu'elle se contentait de peu.
Faute de grive, on mange un steak de soja n'est-ce pas...
L'Homme est aujourd'hui trop souvent considéré comme quantité négligeable.
On regarde plus souvent son chien que lui et il m'arrive de penser que certains ont plus de considération pour une vache qu'ils n'ont jamais vue que pour la vieille dame qui promène son chien...
07:00 | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : le goût-lakevio, l'écorché, steack
08/11/2019
Chacun son tour.
Le Goût vous parle souvent de moi comme la lumière de ses jours.
Lumière éteinte quand un de ses amis l'invite à son anniversaire, ou à aller voir une expo ou déjeuner chez lui.
Le Goût a des amis aussi déjantés que lui.
Des audiophiles, autant dire des cinglés.
Des hommes, qui parfois ne vivent pas dans la même maison que leur femme...
Et pourquoi ?
Pour avoir des enceintes acoustiques plus grandes que le studio d'un étudiant parisien !
Le Goût est le cousin germain de Gaston.
Ce matin il a la même coiffure.
Tous les jours il a le même sens de l'absurde...
Il est capable - et il l'a fait- de jeter des billets d'avion à la poubelle avec l'enveloppe de dollars et les traveller-checks.
Il est même capable de sortir sans pantalon.
C'est d'ailleurs le regret de ma vie, j'ai tellement ri qu'il a compris que quelque chose clochait et a fini de s'habiller...
Le Goût ne ferme jamais les portes, toutes les portes.
Il m'est très difficile de prendre ma douche tranquille, le bruit de l'eau doit lui donner envie de m'informer immédiatement de tout et de rien.
Même ses petites filles ne lui font pas confiance pour traverser.
Il traverse sans regarder, l'écharpe au vent, il va certainement marcher dessus avant la fin de l'année.
Vous connaissez mieux le Goût ?
Vous avez de la chance, pas moi...
09:57 | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : le goût, vie, ordinaire, heureuse ?
04/11/2019
Migration...
Je marche depuis des jours et des jours...
J'ai faim.
J'ai soif.
J'ai envie de me poser mais j'ai peur.
Les gens me croisent, indifférents, je ne suis qu'un errant de plus.
De fait, je suis un migrant, un "nègre blanc" comme disait Boris Vian.
Mes ongles ne me trahiront pas car personne ne regarde les ongles d'un SDF.
J'ai froid...
Je me suis embarqué, comme beaucoup, pour connaître une vie meilleure.
Ceux qui donnent des nouvelles disent qu'ils sont cousus d'or.
Les autres ? On pense qu'ils sont morts, tués par les passeurs, par la mer, enfermés par "l'Administration", que sais-je.
Cette maison semble abandonnée, vide, je vais y jeter un coup d'oeil.
Elle ferait un abri presque confortable je suis sûr.
Ça ne fera de tort à personne, je ne veux qu'y dormir et manger un peu.
Avec un peu de chance il y aura un foyer où je pourrai me chauffer un peu d'une flambée de quelques bûches.
Lorsque j'aurai repris des forces je me mettrai en quête d'un travail.
Il sera mal payé, évidemment pas déclaré car je n'ai pas de "papiers".
Personne ne m'appellera "Blanche neige" car je suis trop clair mais je suis l'un d'eux.
Allez ! Je ferai la plonge et un peu la cuisine dans un restaurant.
C'est là qu'on nous trouve en général.
Ou bien dans les vieilles maisons abandonnées...
09:31 | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : lakevio-le goût, migrant, refuge