heure-bleue

Mais que diable fait cette barque vide au bord de l’eau ?
Au moins ça m’inspire…
Mais vous ?
J’espère que lundi vous aurez dit quelque chose sur cette embarcation mystérieuse.

Ce serait tellement facile et triste de vous parler de migrants, les naufrages, les campements, la police, l'hypocrisie des pays qui laissent passer et qui jurent le contraire.
Pourquoi pas vous raconter Robinson Crusoë seul sur cette ile avant de rencontrer Vendredi.

Pourquoi ne pas vous écrire mon envie d'évasion ?
Ma vie n'est pas un long fleuve tranquille actuellement, mais je n'ai pas une âme d'ermite et le froid me coupe mes envies de fuite...

Pourquoi ne pas dire que je vois seulement une barque échouée que des adolescents ont remorquée pour éviter des explications houleuses avec leurs parents ?
Mais non, je ne vois que la mer éclairée chichement par une Lune qui ne demande qu'à se cacher derrière des nuages.

Il ne fait pas chaud, ni dehors, ni dedans.

Notre chaudière est mourante et même notre prestataire refuse de lui faire des soins palliatifs alors le Goût argumente avec le syndic.
En attendant, il râle.
Oui, il est frileux...

La fuite d'eau provoquée par la baignoire de notre voisin fait des bulles sur notre mur et la peinture "cloque.
Bien sûr, là aussi, il faut attendre...

Hier, une chouette embellie : Nous avons bu un café avec Merveille et JJF qui venaient à Paris !

JJF venait se faire vacciner contre la grippe.
Elle est déjà si pleine de douleurs qu'ajouter la grippe, ça aurait été trop.

Merveille a reçu un vaccin douloureux.
Elle trouve que le vaccin contre le Covid c'est du pipi de chat à côté de celui qu'elle venait d'avoir.

Je suis en train de lire "209, Rue Saint Maur Paris 10ème".
Les recherches de l'auteur sur le Paris d'autrefois.
Elle dit sa traque pour retrouver les neufs enfants juifs déportés pendant l'Occupation.
Elle dit ses rencontres avec les survivants.
Alors je me sens d'un coup plutôt privilégiée malgré la chaudière défaillante...

Si vous vouliez bien raconter une histoire pour lundi…
Une histoire dans laquelle on trouverait les mots :
Pourriture, amateur, jambon, ecchymoses, tangage, rideaux, équivoque, harceler, s’abstenir.
Ça ce serait bien.
Vivement lundi !

Non, on ne peut pas le traiter d'amateur, c'est une vraie pourriture, mon "oeil au beurre noir" en est la preuve.

Faut dire que je suis sa meilleure gagneuse !
Je suis punie chaque fois que je ne ramène pas mon quota !
Les ecchymoses que j'ai sur le corps en sont la preuve.
J'attire encore plus les mecs tordus lorsque j'ai des marques, ils en profitent et en ajoutent quelques autres...

Il vient de me faire l'amour, plutôt bien d'ailleurs.
Il pas d'équivoque de sa part : Il ne m'aime pas, il me récompense d'obéir et moi pauvre idiote, je ne comprends que le langage du corps.
Il faut dire qu'enfant déjà, je devais m'agenouiller devant mes frères pour une tranche de jambon.

Il va bientôt me remettre au travail, il va aller montrer à Marie qui est le chef.
Elle est malade ? Il s'en fiche !
Il va la harceler.
Elle souffre ? Et alors ?
Il va nous mettre ensemble, séparées par un rideau, pas question de s'abstenir, les filles de joie sont parfois retrouvées dans un sale état...

Sont bien mignonnes les filles du Nid !
Elles veulent nous aider !
Elles ne connaissent pas notre vie, le soir, elles rentrent chez elles, leurs enfants les attendent, leur mari aussi.
Elles ne voient des bleus que sur notre peau...

Ambre vient d'écrire exactement ce que je ressens !
« L'angoisse de la page blanche » !
Je n'ai pas, comme elle, la chance de pouvoir appeler Louis XIV à la rescousse.

Je ne peux même pas écrire que je m'ennuie.
On se promène, on va faire un tour chez Lina's dont j'aime beaucoup les petits sandwiches.
Sandwiches qui, bien que petits, font quand même grossir.

Hier, je suis allée manger un « bô bun ».
C'est encore pire du point de vue des calories.
J'ai aussi pu acheter, rue de Lévis, un livre dont je ne me souvenais plus du titre, ni de l'auteur, ni de rien sauf que ça n'avait rien à voir avec Pérec et que ça se passait dans une rue du 10ème arrondissement...

J'ai eu honte pour l'ancienne libraire que je suis mais on survit très bien à la honte.

Sinon, j'attends un truc important que je n'aurai sans doute pas et ça prend toute la place dans ma cervelle.

Enfin il y a aussi l'Ours qui prend une place importante dans ma cervelle.
Si je l'avais sous la main, je le mettrais au régime « haricots verts-café sans sucre ».
Seulement voilà, l'Ours est adulte, du moins est censé l'être, donc je me contente de me taire et c'est dur...

« À quoi rêvent les jeunes filles » se demandait Alfred de Musset.
Je me demande à quoi rêve celle-ci, dessinée par Norman Rockwell.
Et vous ?
À quoi pensez-vous en regardant son air inquiet ?
Dites-le lundi…

Maman a dit oui !
D'habitude, elle me laisse aller fêter les anniversaires mais ma sœur est toujours là et elle répète tout.

Aujourd'hui, je me prépare pour ma première "boum" officielle.
Oui je sais, le mot date de mes grands parents mais il est redevenu à la mode...

Je scrute mon front, évidemment j'ai quelques boutons d'acné.
Mamie a dit qu'il fallait que j'arrête le chocolat et la charcuterie.
Impossible, j'aime trop la raclette !

J'espère que Louis est invité.
Il me plaît beaucoup, il est poli, gentil.
Et surtout il est "bôôôôôôôôôôôôôôôôôô" !

Je me demande comment je vais m'habiller.
Une jupe longue ?
Un petit short avec des collants ?
Il commence à faire froid...
Je n'ai pas le droit de me maquiller parce que je suis trop jeune.
Je vais mettre du baume à lèvres teinté, il me fait une jolie bouche...

"Miroir, mon beau miroir..." mais je me fiche des contes de fée.
Je suis presque adulte mais j'ai le trac.
Je regrette presque que Maman ait dit oui.