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19/02/2018

Inconnu à cette adresse.

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Petit garçon, je venais au Lutetia avec mon père.
J'étais fier de connaître le lieu, de regarder ces femmes si élégantes, ces hommes si affairés et de comprendre que mon papa en faisait partie.
Les Allemands ont déclaré la guerre à la France qui avait bien voulu accueillir ces Juifs d'Ukraine victimes de pogroms.
Le 14 juin 1940, on a perdu.
Les Allemands occupèrent Paris et le Lutetia devint le siège de l'Abwehr.

A la Libération, le Lutetia devint un centre de regroupement et accueillit les survivants des camps.
Yanka, la bonne dame d'Izieu, regroupait les rares survivants et tenait à jour les listes.
Je venais chaque jour regarder ces listes espérant voir un nom connu.
Les jours s'écoulaient, je n'avais plus d'espoir.

Je ne vins plus à l'hôtel.
On y apprenait plus de mauvaises nouvelles que de bonnes...

Pourtant, je ne résistai pas longtemps et j'y retournai.
Ce jour là, je vis le nom de mon père dans la liste des survivants.
Rien que son nom, pas d'adresse.
Je passai des mois à le rechercher.
J'écumais les Associations juives, sans succès.
Parfois on croit attraper la chance.
On me donna un jour une adresse, un lieu dans le Marais.

Je m'y rendis aussitôt et arrivai rue du Temple.
Dans un hôtel particulier, une ruine, mais j'y entendis parler le yiddish.
On m'indiqua un escalier.
Je restai longtemps, très longtemps derrière cette porte.
Je finis par frapper, puis cogner.
Mon cœur battait la chamade quand la porte s'ouvrit sur un homme décharné, le regard vide.
Il m'apprit que mon père avait quitté la France persuadé qu'il était le seul survivant de notre famille.
Il m'arrive encore aujourd'hui, d'aller au Lutetia et je ne peux m'empêcher de croire qu'un jour mon père franchira la porte qui le conduira vers moi...

 

Commentaires

Superbe.

Bleck

Écrit par : Bleck | 19/02/2018

Emotion à lire ce triste et douloureux vécu...

Écrit par : Praline | 19/02/2018

au moins elle sait qu'il a survêcu! Elle a raison d'espérer....sait-on jamais ?

Écrit par : emiliacelina | 19/02/2018

Poignant.

Écrit par : Fabie | 19/02/2018

magnifique ton texte...

Écrit par : Coumarine | 19/02/2018

De courtes phrases,
mais qui racontent toute une histoire
et qui émeuvent.

Écrit par : Sophie | 19/02/2018

Bonjour, Heure-Bleue,

Votre texte m'a pris aux tripes!

Bonne journée!
lulu

Écrit par : lulu | 19/02/2018

Tu te rappelles à quoi ressemblait l'Hôtel Saint Aignan en 1971 ?
Avant qu'il ne soit transformé en musée.

Écrit par : le-gout-des-autres | 19/02/2018

Très émouvant et très bien mené.

Écrit par : Berthoise | 19/02/2018

C'est poignant en effet. Et que c'est triste...

Écrit par : Pivoine | 19/02/2018

Superbe et poignant ton récit. On a envie de le relire encore et encore jusqu'à ce que cet homme reçoive une bonne nouvelle... Mais j'ai connu une dame, très âgée, dans les années 70 qui espérait encore revoir son fils disparu pendant la guerre en Russie...

Écrit par : lakevio | 19/02/2018

Boule versant ! Combien d'enfants ont-ils vécu cela ? J'en ai le coeur chaviré... Plusieurs de mes camarades d'enfance à Nantes ont elles aussi attendu des parents qui ne sont pas revenus...

Écrit par : Gwen | 19/02/2018

J'ai retenu mon souffle jusqu'au bout de ton texte
Vraiment moi aussi j'espérais que tu allais l'étreindre .....
Ton texte est si beau mais si émouvant !
Merci
Bonne journée

Écrit par : Rose63 | 19/02/2018

j'ai lu le livre d'Assouline, qui porte le même titre...

Écrit par : Adrienne | 19/02/2018

Assouline a écrit un livre qui s'appelle Lutétia.
Inconnu à cette adresse a été écrit par Kressman Taylor.

Écrit par : heure-bleue | 19/02/2018

Si près du but ! Quel espoir déçu !! Trop triste, en effet.

Écrit par : tanette2 | 19/02/2018

Oh, on croirait lire une page de ta vie. Dommage, on aurait vraiment aimé que ce soit le père qui ouvre la porte...Combien de familles ont été séparées à jamais ? Je ne parle pas des familles décimées, seulement perdues totalement de vue..

Écrit par : julie | 19/02/2018

Que d'émotion à la lecture de ton texte.
On ira au Lutetia, quand je viendrai à Paris, alors ?
Bises émues
¸¸.•*¨*• ☆

Écrit par : celestine | 19/02/2018

A Poitiers, Maman fut le premier visage connu que son prof a vu en descendant du bus qui le ramenait d'un camp au nom sinistre. Malgré la différence d'âge et de "statut" ils sont tombés dans les bras l'un de l'autre. Cela se passait à Poitiers et c'était le hasard. Et la vie a repris son cours. Longtemps après maman a reçu le récit manuscrit de ces années-là.

Écrit par : nicole 86 | 19/02/2018

Une histoire bien menée qui rappelle hélas des heures tellement sombres, et des conséquences déchirantes.
j'allais souvent rue de Rennes pour des réunions dans le cadre de mon travail. Chaque fois que je passais devant le Lutétia, je pensais à l'occupation, me disant qu'encore aujourd'hui, je serais bien incapable de mettre les pieds dans cet établissement… qui n'y est pour rien en tant que tel… mais c'est comme ça… c'est associé à des souvenirs familiaux comme beaucoup d'entre nous en ont…

Écrit par : alainx | 19/02/2018

Superbe texte Heure Bleue ! tout y est et c'est terriblement émouvant ......

Écrit par : Colette | 19/02/2018

Réaliste, hélas...

Écrit par : ang/col | 19/02/2018

Ton texte est digne d'un bouquin sur le sujet. Tu devrais te lancer ! Très beau. Tu as été inspirée.

Écrit par : Armelle | 20/02/2018

Magnifique et tellement triste!

Écrit par : mab | 20/02/2018

Cela m'a fait penser un peu à la famille de musiciens parisiens dans 'Les uns et les autres ' de Lelouch, en 80. La mère (Nicole Garcia) qui cherche son fils dès son retour en France ... Et son fils, je ne sais plus comment qui apprend la vérité sur son sauvetage et finit par retrouver sa mère... qui a perdu la mémoire.

Écrit par : Pivoine | 20/02/2018

Blogue en panne pour cause de lombaires bloquées depuis vendredi... :-///

Écrit par : Pivoine | 20/02/2018

Le monde regrette et attend le retour du blog Pivoine.

Écrit par : beau moqueur | 21/02/2018

Les commentaires sont fermés.