06/11/2017
Mémoires d'une jeune fille rangée
Je suis née à quatre heures du matin, le 9 janvier 1908, dans une chambre aux meubles laqués de blanc, qui donnait sur le boulevard Raspail.
J'étais une jeune fille de bonne famille avec une "intelligence d'homme", c'est mon père qui le disait, lui le banquier qui fit faillite.
A mon époque, les jeunes filles de bonne famille n'allaient pas en fac.
Elles faisaient un beau mariage, élevaient une ribambelle d'enfants et "leur cerveau d'homme" servait à donner des ordres à la cuisinière.
J'ai fait des études de philosophie à l'Institut Catholique et je suis devenue enseignante.
Comme Jean Paul, qui enseigna dans une ville voisine.
J'en fus renvoyée car j'avais des relations amoureuses avec certaines de mes élèves.
Je commençais à écrire.
J'étais une romancière féministe.
Pas "une auteure", l'orthographe n'a pas besoin d'être modifiée, les mentalités oui.
J'ai d'ailleurs écrit "se vouloir libre, c'est aussi vouloir les autres libres".
Avec Gisèle Halimi, je fus à l'origine du manifeste des 343 salopes.
Féministe mais féminine aussi, j'ai aimé des hommes, des femmes.
J'ai aimé Sartre mais le mariage n'était pas pour nous.
Je crois qu'aujourd'hui, je n'aurais pas participé à la curée.
Je n'aurais pas écrit sur les réseaux sociaux, qui semblent plus un vecteur de haine que de sociabilité, le désormais trop fameux "#balancetonporc".
Du haut de la sagesse que donne l'éternité, j'aurais haussé les épaules et déserté ce genre de médium.
J'aurais continué à combattre les inégalités avec mon amie Elisabeth Badinter.
Avec élégance aussi car il faut savoir prendre de la hauteur pour faire changer les mentalités.
Sartre était un homme et, comme beaucoup d'hommes il lui arrivait d'être même coquet.
Un matin, avant de descendre au Flore, il se regarda.
Je vais laisser pousser ma moustache, décida-t-il...
10:02 | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : lakevio, simone, jean paul et les autres