17/10/2006
Chroniques de Tel Aviv
Hier, j'avais rendez vous avec le 14 Rehov Bar Korchva, j'avais rendez vous avec ma voisine, ma mitzvah de toujours, j'avais rendez vous à 15 h sans madame de, finalement, c'était mes souvenirs, pas les siens.
J'ai pris le métro, j'étais en retard mais elle le savait, elle a été ma voisine pendant 4 ans, elle sait que je ne suis jamais à l'heure, il faut dire qu'un métro sans lumière, ça n'aide pas à arriver à l'heure.
Lorsque je suis arrivée devant le Casino - ma voisine a toujours aimé les supermarchés - j'ai vu sa chevelure trop blonde (elle a un an de moins que moi), j'aime sa façon de dire, en français : "Je suis plus petite que toi", je l'ai vue, plus Israélienne que jamais, le portable à la main, l'écouteur à l'oreille et couverte d'or.
Elle n'aime pas marcher, nous nous sommes installées dans un café et hop, la chronique de ma rue.
- Qui habite chez moi ?
- Le pépé yiddish est toujours vivant ?
- Et la vieille dame qui habite la petite maison ?.
Ceux là sont toujours là, toujours vivants, le pépé yiddish regarde toujours les jambes des filles, la vieille dame russe veut toujours quitter la maison, celle de ses parents, elle a toujours son accent russe.
Ma voisine ne sait pas qui habite chez moi, elle ne va plus par là, je ne suis plus là, la chronique continue : "Tu sais le gros, celui qui buvait beaucoup, il est mort"
Et en face, tu te souviens en face ? La femme qui avait les cheveux rouges ? Non, je ne me souviens pas, elle aussi, elle est morte.
Expresso Bar, à l'ombre des ficus, il a rouvert ? Non, c'est autre chose. J'essaie de savoir, j'ai lu souvent à l'ombre des ficus, j'ai envie de mettre une image mais ma voisine n'a pas de nostalgie à entretenir, sa nostalgie à elle, c'est Paris, c'est la ville de ses enfants.
Elle vient à Paris, en espérant que tout à changé, et rien n'a changé, son fils est toujours aussi fuyant avec elle, ses deux filles sont toujours fâchées, l'une est très religieuse, l'autre pas.
L'histoire de ma voisine, c'est un mauvais roman policier, mariée jeune, enceinte, son mari était un petit voyou, tué dans un bar parisien par d'autres voyous.
La vie de ma voisine n'est pas une vallée de roses, alors, qu'importent ses cheveux trop blonds, son visage trop fardé, et son or à chaque doigt, ma voisine n'est que chagrin.
Elle rentre dimanche à Tel Aviv retrouver sa solitude.
09:45 | Lien permanent | Commentaires (17)
Commentaires
C'est comme toujours, un billet parfait, on sait tout et rien, on s'y voit mais il manque des éléments, c'est du pur HB.
Écrit par : mab | 17/10/2006
Coucou je suis de retour apres dubonheurdansletexte revoila la phrase du jour sur www.20six.fr/laphrasedujour
Écrit par : laphrasedujour | 17/10/2006
J'aime beaucoup. C'est triste et plein de vie a la fois.
Écrit par : nathalie | 17/10/2006
c'est triste...comme quoi tout l'or du monde ne remplacera jamais ce qui nous manque...
Écrit par : lacigale | 17/10/2006
ta voisine je l'ai croisée...bien des fois; pas blonde mais brune ou rousse. Pas d'or aux doigts et des sanglots dans la voix. Pas de fard sur les yeux et un coeur plein de bleus. A Paris, à Tel Aviv, à Singapour, à New-York...
Écrit par : Bérangère | 17/10/2006
J'aime ce détachement qui n'en est pas un un... Du Woody Allen...
Écrit par : Africa_Delice | 17/10/2006
Tu as le charme de savoir "dépuceler" un sujet, rien qu'en l'effleurant. Comme celà, chacun y trouve ce qu'il a envie d'y trouver !
Écrit par : patriarch | 17/10/2006
C'est beau et triste à la fois. Parfois on se cache derrière un maquillage pour tenter de masquer sa détresse.
Écrit par : mayga | 17/10/2006
Bar Kochva ?!
Comme c'est étrange ! J'habitais aussi dans cette rue !
Entre la rue Pinsker et la rue Tchernikhovski...
Une rue bizarre qui se transforme en "lance pierre" avec, du coup, une numérotation bizarre qui faisait se paumer le facteur nouveau-venu...
Au moins, il y fait beau, et c'est pas loin de la mer.
Suffit de descendre la rue Bograshov.
Boouuuhhh !!! Je nostalgise !!!!
Écrit par : le-gout-des-autres | 17/10/2006
Derrière des façades clinquantes, on trouve souvent de nombreuses lézardes. C'est un plaisir de pouvoir de nouveau venir te lire.
Écrit par : Phélycitée | 17/10/2006
Moi j'vous dit que le gout et heure bleue vont finir ensemble !!! ah ah ah !
"j'ai envie de mettre une image mais ma voisine n'a pas de nostalgie à entretenir", j'aime bien cette phrase.
Écrit par : Lulu | 17/10/2006
La vie, la mort au quotidien et une vie mal vécue comme il y en a beaucoup
Écrit par : juillev | 17/10/2006
tu as raison de passer sur certaines choses si cette femme est si seule. Au moins elle t'a.
Écrit par : lili | 17/10/2006
Elle a beaucoup de chance de t'avoir...Tu es toujours en retard, mais toi tu viens.
Écrit par : Maky | 17/10/2006
tu lui donneras, peut etre, quelques uns des nombreux bisous que je t'envoie ....
Écrit par : cerysette | 18/10/2006
C'est tellement...touchant, délicat et en pointillé.
J'aime la photo aussi de ton billet...Pourrais-tu me l'envoyer en plus grande? :o)
Des histoires avec plus de noir que de rose, on en a tous dans nos petits paniers, suffit de savoir regarder et toi, tu as les yeux grand'ouverts...
Écrit par : eva l'architecte | 18/10/2006
où qu'on aille on trimbale sa solitude avec soi
Écrit par : muse | 18/10/2006
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